Louis Gillet, Les fresques […] à l'École d'Agriculture de Chapingo, dans: Michel, L'histoire de l'art, 1929 (dieser beitrag wurde verfasst in: französisch)
eingetragen von Alex Winiger am 16.03.2016, 10:34 (email senden)
Jusqu'à présent, c'est dans les fresques du Secrétariat de l'Éducation, et surtout à l'École d'Agriculture de Chapingo, que Diego Rivera a donné sa mesure. Un voyage en Russie (l'artiste y est retourné une seconde fois en 1927) a servi à préciser sa foi, à le détacher du passé sans retour. La Révolution lui fournit une idéologie. Quelle qu'en soit la valeur, c'est pour l'artiste une religion: il y trouvé l'enthousiasme qui enflammait pour le christianisme les maîtres des vieux âges. Son art a la fonction d'enseignement, la force de propagande que les missionnaires catholiques attendaient de la peinture: cette esthétique violemment anticléricale est un véhicule de passions et d'idées mystiques. Cela est bien visible dans cette chapelle de Chapingo, démeublée de ses autels et de tout ce qui fut le culte, et que le peintre a couverte de fresques naturalistes, dans l'esprit d'un Lucrèce de nos jours, Sainte-Chapelle de la Révolution, Sixtine des temps nouveaux. L'artiste y déroule en images fougeuses et violentes à la fois un catéchisme et une cosmogonie, la double genèse de la nature et de l'homme, la profonde gésine, les accouchements de la Terre et de la race humaine sur le sol du Mexique. On y voit la Nature, géante couchée, tenant entre ses mains rêveuses le germe de la vie, entourée des figures farouches des Éléments, l'Eau, le Vent et le Feu, génie couronné d'un éventail de flammes et sortant d'un cratère. Ailleurs, ce sont les puissances intimes et les forces en travail dans les entrailles de la Terre: un génie féminin, bizarre sphinx accroupi, replié sur les talons dans une attitude magique au fond d'une caverne de flammes, étend les bras, attire les divinités du métal, les énergies qui sommeillent et glissent sous forme de météores aux veines de l'écorce terrestre. Plus loin, sur les parois latérales, ce sont les scènes symboliques de la révolution, l'oppression, le réveil, puis l'aurore e la gloire de la conscience paysanne. C'est à la fois la Bible et l'Évangile du prolétariat, une sorte de théogonie et d'apocalypse fulgurantes, tenant de Blake et de Michel-Ange. Enfin, sur la muraille qui fait face à l'abside, à la place des vieux paradis, la vision de la Nature harmonieuse, d'un Éden cultivé par l'humanité régénérée. On voit l'importance de ces peintures où Diego Rivera a créé la première imagerie révolutionnaire, la geste de son peuple et la légende nationale.