dieser beitrag wurde verfasst in: französisch (fre/fra/fr)
verfasserin/verfasser: Thérèse Burollet, Frank Folliot, Daniel Imbert
titel: Le triomphe des mairies. Grands décors républicains à Paris 1870–1914
+: Paris, 1986
«Au mur des mairies, on découvre, traduites en allégories ou en 'symboles réalistes' dans de grandes compositions décoratives, les plus importantes convictions idéologiques de la IIIe République. Celle-ci, dès ses débuts, a basé sa force sur son idéal politique mais elle a affermi son enracinement sur son moral et civique. Issue du suffrage universel – masculin évidemment, mais cela paraît encore tout à fait normal en 1880 – l'image officielle de la République se substitue peu à peu à celle de la Nation toute entière: d'effigie de la Liberté, Marianne devient figure emblématique de l'Etat. […]
Si cette 'France-République' apparaît souvent sur les murs des établissements publics parisiens, Hôtel de Ville, mairies d'arrondissement, écoles, elle subit, elle-même, un nouveau glissement iconographique et est souvent remplacée par l'image solennelle de la Ville de Paris, capitale de la France. L'évolution très particulière de ces effigies, dans les années quatre-vingt, liée aux données politiques municipales de l'époque, sera étudiée de façon plus approfondie dans l'exposition 'La République nous appelle' que le musée du Petit Palais prépare pour célébrer le deuxième centenaire de la Révolution de 1789.
Nous nous pencherons beaucoup plus ici sur ce que nous appellerons 'l'Evangile laïque', c'est-à-dire l'expression plastique du catéchisme républicain. En échange du maintien des Droits de l'homme – la Liberté et l'Egalité, que tout Français doit respecter et des bienfaits reçus de la Nation – la généralisation de l'école, l'entretien des routes et des canaux, etc... le citoyen a des devoirs sacrés: la défense de la Patrie, le travail et la responsabilité de la famille; mais à ceux-ci vont s'ajouter des préscriptions d'ordre civique et moral plus nuancées: les devoirs civiques comprennent avant tout l'obligation de participer à la vie politique par le vote, et, pour ceux qui en ont le niveau culturel et social, par l'exercice des charges municipales; les devoirs moraux vont aussi comprendre le respect des vieillards, le soutien des faibles, celui de 'la veuve et de l'orphelin'. Face à la charité du catholicisme social, la fraternité naturelle devient plus civique – les asiles de nuit, les soupes populaires municipales se développent et plus active aussi par l'enseignement de la solidarité et la création des mutuelles et des assurances. Les carnets de mutuelle scolaire sont, par exemple, une préparation psychologique des enfants, parallèle à celle des bataillons scolaires pour les futurs soldats.
Mis à part les aspects modernes du civisme, la morale républicaine est, en fait, totalement démarquée de la morale chrétienne qu'elle a simplement laïcisée. Dès 1789, les vertus chrétiennes avaient été changées en idées humanitaires, mais la Révolution, pour s'implanter, avait dû faire table rase de certaines valeurs. La IIIe République, pour s'enraciner dans la 'France profonde', va annexer la doctrine morale: l'institution du mariage, la famille, le travail, le respect des parents – et des patrons –, la charité-fraternité, deviennent les pierres angulaires du programme du nouveau régime.
Cet évangile laïque est peint sur nos murs. Si nous ne connaissons pas de grand décor qui symbolise les Assurances – du moins dans les mairies, car il en existe peut-être ailleurs – les salles des fêtes et surtout les salles des mariages célèbrent largement l'amour heureux, la famille, la maternité, l'éducation des enfants, la vie paisible des aïeuls, le travail bien sûr, qui en est le soutien comme il est, par la productivité, le soutien de la nation, et la défense de la patrie qui en est la garantie.»
(p. 35–37)
«Le XIXe siècle positiviste, qui souhaitait le règne des sciences et de la mécanique, s'interrogeait déjà pourtant sur son propre devenir. La société industrielle naissante qui éveillait tant d'espoirs, était par ailleurs sujet de crainte. Vers quel monde dépersonnalisé allait-on? Quelle laideur risquait-on? Une doctrine venue d'Angleterre sembla répondre à cette inquiétude: Ruskin par ses écrits, William Morris par ses œuvres, réhabilitèrent l'esprit corporatif et le goût du travail fait à la main avec soin. Leur expérience suscita jusqu'en France une véritable prise de conscience de l'importance des métiers d'art d'autrefois. Et l'on ne peut s'empêcher de constater que le renouveau de la grande peinture décorative au XIXe siècle va de pair avec celui de certains artisanats qui, comme elle, traitent de la surface: la tapisserie, la mosaïque et le vitrail.
La tapisserie, depuis la Renaissance – on peut s'avancer à le dire – avait lentement perdu sa spécificité: c'est-à-dire être un mur mobile, chaud, décoratif, riche, pour devenir la concurrente de la peinture de grand genre; mais à ce jeu elle avait un peu perdu de son âme ... même si naturellement il y eut au XVIIIe siècle des réussites remarquables! Pour être aussi subtile que la peinture il lui fallut une infinité de tons de laines, puisque l'on ne peut comme en peinture en obtenir par mélange. La teinture dut utiliser des procédés qui ne furent pas toujours heureux et les couleurs vieillirent mal; de plus, les« petits tons» nuisirent à l'unité spatiale des tapisseries et cet art de plus en plus d'imitation risquait de succomber à son ambition même.
Une politique de renouveau fut envisagée et cela beaucoup plus tôt qu'on ne le pense généralement. Dès 1876 une commission fut instituée par le Ministre de l'Instruction publique, commission comprenant des architectes, des décorateurs et des peintres. Nous y retrouvons avec intérêt Ballu, l'architecte-ensemblier de l'Hôtel de Ville, Baudry, Cabanel et Puvis de Chavannes, tous persuadés qu'il fallait libérer la tapisserie de la tutelle de la peinture et ne travailler dorénavant que sur des cartons spécialement conçus pour elle, avec un nombre plus limité de tons.»
(p. 29–30)